BUCAREST JANVIER 1990, AU LENDEMAIN DE LA RÉVOLUTION

Quelques jours après la Révolution Roumaine et la chute de Ceausescu.

J’ai 25 ans et j’accompagne un convoi de Pharmacien sans frontière venu porter des médicaments et faire un état des lieux de la situation au lendemain des émeutes et des «journées sanglantes» qui ont coûté la vie à 564 personnes dans la capitale (1 104 morts au total dans le pays).

Je découvre une ville détruite et un peuple en liesse dans les rues, agglutiné aux fenêtres des immeubles, hurlant à tout rompre «à bas le communisme » , « à bas le Parti », «mort aux terroristes » sous l’oeil des militaires postés sur des chars immobiles.
Devant les quelques magasins d’alimentation générale aux vitrines vides et désolées , des queues de plusieurs dizaines de mètres se forment en continue.

Un mouvement se crée le Front du Salut National qui renonce au « socialisme scientifique à visage humain » et se convertit à la démocratie à l’occidentale.

Des rumeurs au sujet d’orphelinats cachés à la périphérie de la ville et aux conditions de vie insalubres commencent à circuler.
Je serais une des premières à y entrer et à témoigner de ce scandale qui éclatera au grand jour dans les semaines suivantes.
Une odeur de puanteur prenait à la gorge à peine le seuil de l’orphelinat franchit. Ces enfants, abandonnés vivaient dans de véritables mouroirs, sans chauffage, sans hygiène, entassés. On les disait handicapés mentaux, ce dont ils souffrait réellement était de maltraitance et de malnutrition.

En 1970, le régime de Ceaucescu, convaincu qu’un pays fort est un pays très peuplé, mène une politique nataliste forcenée et exige cinq enfants par famille. La contraception et l’avortement pouvaient être punis de peine de prison.Les conditions de vie difficiles et la pauvreté ont obligé certaines familles à abandonner leurs enfants « l’Etat s’en chargera si les familles ne peuvent pas les élever»

Le pays fut ainsi quadrillé d’orphelinats. Les plus résistants d’entre eux devaient servir de garde rapprochée au Conducator. Les autres – la moitié, selon les témoins – étaient répartis dans quatre catégories d’orphelinats correspondant à une typologie effarante: séropositifs, fous, retardés, irrécupérables.

Autres Reportages